
«Je suis frappé par le mimétisme de la séquence; d’abord une attaque contre le symbole de la liberté d’expression, ensuite une attaque contre des juifs, et puis l’affrontement par rapport aux policiers», a relevé dimanche le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. Pour le président François Hollande, «ce sont les mêmes cibles» et il y a donc «un lien, qui n’établit pas un réseau, mais simplement une même détermination des terroristes à frapper ce que nous sommes».
Comme les frères Kouachi, qui ont tué à la Kalachnikov le 7 janvier à Paris 12 personnes, en attaquant «Charlie Hebdo», l’hebdomadaire satirique qui avait publié des caricatures de Mahomet, un assaillant a mitraillé samedi à Copenhague un centre culturel où se tenait un débat intitulé «Art, blasphème et liberté», tuant un homme. Parmi les invités, un artiste qui a, lui aussi, caricaturé le prophète de l’islam.
Modus operandi similaire
«C’était la même intention que ‘Charlie Hebdo’, sauf qu’ils n’ont pas réussi à entrer», a commenté l’ambassadeur de France au Danemark, François Zimeray, rescapé de l’assaut.
Et comme Amédy Coulibaly qui a tué quatre juifs le 9 janvier dans un supermarché casher parisien, l’assaillant du Danemark s’en est pris ensuite à une synagogue. Il y a mortellement blessé un juif, avant d’être abattu plus tard par la police, comme les forces de l’ordre françaises ont tué les tireurs parisiens, au terme d’une traque plus longue.
«Le mode opératoire semble similaire, les cibles aussi; on peut penser qu’il s’agit du même genre de djihad individuel», dit à l’AFP une source proche des forces d’élite françaises.
«Il y a des similitudes», acquiesce Jean-Charles Brisard, expert des questions liées au terrorisme, «mais elles relèvent de tendances lourdes que l’on observe depuis plusieurs années». Parmi elles, «des cibles à haute valeur symbolique» qui remplacent les «attentats aveugles», des «armements de moins en moins sophistiqués» au lieu d’explosifs «dont les terroristes se méfient, car ils sont davantage surveillés par les services de renseignements».
Moins de préparatifs
Pour ce spécialiste, ce type d’attaque «nécessite beaucoup moins de préparatifs que les attentats» commis par le passé, ce qui les rend plus difficiles à détecter. Pour autant, «il faut faire attention aux raccourcis», car l’«on ne sait pas grand-chose du tireur de Copenhague», prévient la source proche des forces d’élite.
Les tueurs français se réclamaient de mouvements djihadistes, Al-Qaïda ou l’Etat islamique (EI). Les enquêteurs n’excluent pas qu’ils se soient rendus en Syrie, et au moins un des Kouachi est allé au Yémen, autre bastion du djihadisme.
Quant à l’assaillant du Danemark, lui aussi déjà connu des services de renseignements, les enquêteurs ignorent s’il est allé en Syrie ou en Irak, mais pensent qu’il «peut avoir été inspiré par la propagande militante islamiste diffusée par l’Etat islamique ou d’autres organisations terroristes». Le Danemark est un des pays les plus concernés par les départs pour le djihad en Syrie en proportion de sa population.
Les mêmes consignes
Selon la source proche des forces d’élite, le risque «d’imitation» est une crainte réelle des services antiterroristes. «C’est d’ailleurs l’intention des organisations djihadistes. Par leurs vidéos de propagande et leurs recrutements sur Internet, ils veulent que des personnes se reconnaissent dans les actions comme les attentats de Paris, qu’elles les reproduisent.»
Avant même les attaques parisiennes, plusieurs hommes convertis aux thèses djihadistes étaient passés à l’acte, comme le Français Mehdi Nemmouche qui a tué quatre personnes au musée juif de Bruxelles en mai, le Canadien Michael Zehaf-Bibeau qui a tué un militaire à Ottawa en octobre, ou encore Man Haron Monis, auteur en décembre d’une prise d’otages à Sydney qui s’est soldée par la mort de deux personnes et de l’attaquant.
Qu’ils aient agi seuls ou qu’ils se revendiquent d’un groupe, tous semblent avoir mis en pratique les consignes d’Al-Qaïda ou de l’EI: passez à l’action là où vous vivez, en faisant le plus de bruit possible.
(ats)