
Le jour se lève à peine sur New Delhi mais une nouvelle unité de policières spécialisées s’entraîne déjà au combat en vue de mener la vie dure aux prédateurs sexuels de la capitale indienne. Habillées de kimonos de karaté blancs, elles frappent du pied et des genoux des agresseurs imaginaires, perfectionnant leur préparation avant leur prochaine affectation au service de la protection des femmes.
Les agressions sexuelles, qui défraient la chronique depuis deux ans et qui ont valu à New Delhi le surnom de «capitale du viol», ont forcé la police à réagir et à former une équipe de femmes spécialement formée aux arts martiaux.
«Nous ne tolérerons aucun mauvais comportement», dit leur cheffe, Bharti Wadhwa à l’AFP après un entraînement intense de 2 heures avec son équipe de 40 femmes. Les membres de cette nouvelle unité sont surnommées les «Charlie’s Angels» par leurs entraîneurs, en référence aux trois brillantes détectives privées vedettes de la série américaine («Drôles de dames» en version française) diffusée dans les années 1980.
«Qu’elles se sentent sans peur et redoutées»
Leur entraîneur Vishal Jaiswal, ceinture noire de karaté japonais (shotokan), affiche sa fierté pour ses protégées. «Les entraîner est une grande responsabilité pour moi. Je me sens comme un guerrier en mission, dit-il. Et ma mission est qu’elles se sentent comme les Charlie’s Angels, sans peur et redoutées.»
La nouvelle unité de police féminine a été créée sous la houlette du chef de la police de la capitale, Bhim Sain Bassi, surnommé «Charlie Papa» sur la radio de la police. Depuis son entrée en fonction, en 2013, il a mis l’accent sur la sécurité des femmes.
Forte demande de la population
Les «Charlie’s Angel» ont déjà fait quelques passages dans des bus de la capitale pour évoquer avec leur mission avec les passagères. Et la demande pour une telle présence est forte. «Je prends le bus pour aller à l’université et les hommes vous fixent fréquemment ou vous lancent un regard mauvais», raconte Sakshi Sharma, 19 ans, tout en feuilletant un livret rose de la police donnant des conseils de sécurité. «Je me suis souvent senti démunie mais je suis heureuse de savoir que des policières vont maintenant être là pour nous protéger des hommes lubriques.»
Assise à ses côtés, Chhaya Aggarwal, une ingénieure informatique, se montre encore plus enthousiaste. «Grâce au déploiement de cette armée féminine, nos pères et nos frères ne vont plus avoir à s’inquiéter lorsque l’on sortira.»
«Que les délinquants se sachent sous surveillance»
Les défenseurs des droits des femmes saluent l’initiative mais sont sceptiques sur l’impact d’une unité de seulement 40 personnes. «Ils doivent étendre cette formation à d’autres policières», estime Mriganka Dadwal, directrice exécutive de l’ONG SLAP (Street-level Awareness Programme) auprès de l’AFP. «Il faut que les délinquants sexuels sachent clairement qu’ils seront constamment sous surveillance.»
Delhi, ville tentaculaire de quelque 16 millions d’habitants, s’est retrouvée au coeur de l’actualité mondiale en décembre 2012 quand la population est descendue dans la rue pour protester contre les violences faites aux femmes.
Le mouvement a été déclenché par le viol en réunion barbare d’une étudiante de 23 ans, décédée des suites de ses blessures. Ce crime a choqué le pays et forcé les politiques à durcir la législation sur les agressions sexuelles.Mais les agressions de femmes ne semblent pas diminuer à Delhi. Le dernier incident médiatisé vise un chauffeur de la compagnie Uber, en procès pour le viol présumé d’une passagère.
Plaintes pour viol en hausse
La police de Delhi a enregistré 2069 affaires de viol l’an dernier, contre 1571 l’année précédente. Une hausse qui s’explique en partie par le fait que les femmes sont moins réticentes à dénoncer une agression, en dépit de la stigmatisation qui touche les victimes de viol.
(afp)