Sida: Des antirétroviraux réduisent les risques

 

Il s’agit de la première étude à montrer que la prise de ces antirétroviraux, uniquement au moment de relations sexuelles risquées parmi les gays, peut offrir une protection élevée, ont souligné les chercheurs de l’Agence nationale française de recherche sur le sida (ANRS) qui ont mené cette étude baptisée ANRS Ipergay.

Ils ont présenté les résultats à la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) réunie cette semaine à Seattle (Etat de Washington, nord-ouest).

L’étude montre pour la première fois que ce traitement préventif est aussi efficace «à la demande».

 Une autre étude de chercheurs britanniques (Proud) présentée aussi mardi à la CROI, a montré une réduction également de 86% du risque d’infection chez des gays ayant pris quotidiennement du Truvada.

Jusqu’à présent le Truvada (une combinaison de ténofovir et d’emtricitabine), du laboratoire américain Gilead Sciences, avait montré son efficacité à prévenir une infection par le VIH (virus de l’immunodéficience humaine) dans des groupes d’hommes et de femmes à risque prenant ce médicament tous les jours.

Ainsi un autre essai clinique (appelé Iprex) avec le Truvada a montré que, pris quotidiennement, ce cocktail d’antiviraux a permis de diminuer le risque d’infection par le VIH d’environ 44% dans une cohorte d’hommes homosexuels, dont tous n’ont pas pris régulièrement leurs comprimés.

L’essai ANRS Ipergay a été mené auprès de 414 homosexuels âgés de 35 ans en moyenne en France et au Canada, dont la moitié ont pris un placebo et l’autre du Truvada au moment des rapports sexuels, deux comprimés 24 heures avant et deux de 24 à 48 heures après.

Environ 70% des participants n’utilisaient pas généralement de préservatif, a précisé lors d’une conférence de presse téléphonique le professeur Jean-Michel Molina, de l’Hôpital Saint-Louis à Paris qui a coordonné l’essai clinique.

Les participants, tous d’un niveau d’étude supérieur, avaient en moyenne dix rapports par mois avec plusieurs partenaires.

Réduction de 86% du risque d’infection

Après un suivi de près de 13 mois, 16 des participants ont été infectés par le VIH, 14 dans le groupe du placebo et deux dans celui qui a pris le Truvada, soit une réduction de 86% du risque d’infection. «C’est même mieux que ce que pourrait faire vaccin», a commenté le professeur Molina tout en insistant aussi pour dire que «le préservatif reste pour l’heure la meilleure prévention».

En outre, les deux participants infectés parmi ceux qui prenaient du Truvada avaient cessé de prendre ce médicament plusieurs semaines avant l’apparition de l’infection.

L’essai été mené au sein d’une population qui est la plus touchée par le VIH, en France comme dans la plupart des pays développés.

Le nombre de nouveaux cas de VIH est d’environ 6.400 par an en France, dont 43% concernent les hommes homosexuels, a précisé Bruno Spire, président de l’association AIDES et un des chercheurs ayant participé à l’essai Ipergay qui se poursuit jusqu’en mars 2016.

Les autorités sanitaires américaines se sont félicitées des résultats de cet essai.

«Les centres de contrôle et de prévention des maladies CDC se félicitent des résultats d’Ipergay et de Proud, qui confortent l’efficacité de la prophylaxie pré-exposition (Preep) pour réduire le risque d’infection par le VIH», a déclaré dans un communiqué le Dr Jonathan Mermin, directeur du centre national du sida aux CDC.

Mais, met en garde cet expert, «ces chercheurs ne savent pas si cette approche serait efficace chez des gays ayant des relations sexuelles moins fréquentes que ceux de l’étude car ils prendraient dans ce cas moins de Truvada». Dr Mermin note aussi qu’on ignore si cette approche s’applique aussi pour les hommes et femmes hétérosexuels et les drogués.

Pour le Dr Carl Dieffenbach, directeur de la division sida à l’Institut américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID), ces résultats de Ipergay sont «une avancée, une nouvelle option de prévention», mais «pas (un) bouleversement».

(afp)