
«Le prix Nobel de littérature Günter Grass est mort ce matin à l’âge de 87 ans dans une clinique de Lübeck» (nord), a annoncé la maison d’édition Steidl. Sur sa page internet, l’éditeur a publié plusieurs photos noir et blanc de l’écrivain: épaisse moustache, pipe toujours allumée et lunettes baissées sur le nez.
Homme de gauche, réputé pour ses prises de position polémiques, Guenter Grass, prix Nobel de littérature 1999, décédé lundi à 87 ans, était l’écrivain allemand de la seconde moitié du XXe siècle le plus connu à l’étranger. Lundi après-midi, un registre de condoléances va être ouvert à la maison Günter Grass, à Lübeck, a indiqué à l’AFP un responsable du lieu.
Depuis la publication en 1959 de son chef-d’oeuvre, «Le tambour», un succès planétaire adapté au cinéma par Volker Schloendorff, qui reçut la Palme d’Or à Cannes et l’Oscar du meilleur film, ce fumeur de pipe moustachu aux épaisses lunettes n’a eu de cesse de confronter son pays avec son passé nazi, avec sa mauvaise conscience.
Sans Grass, «l’Allemagne serait une autre Allemagne»
Il a alors «donné naissance, en un livre, à la littérature allemande d’après-guerre», estimait alors «Der Spiegel». Sans les interventions incessantes de Grass dans le débat public, «l’Allemagne serait une autre Allemagne», même si ce maître à penser finit «parfois par nous taper sur les nerfs», ajoutait l’hebdomadaire.
Parmi ses oeuvres les plus connues, écrites dans une langue luxuriante et néanmoins précise, pleine de fantaisie et d’ironie, figurent «Le chat et la souris», «Les années de chien», «Le journal d’un escargot», «Le turbot», «Une rencontre en Westphalie», «Toute une histoire» (qui a provoqué un tollé en Allemagne où des médias disaient: «Grass n’aime pas son pays»), «La ratte» et «Mon siècle».
Lors d’une conférence de presse régulière, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a indiqué que les autorités allemandes étaient «profondément bouleversées» par l’annonce de cette nouvelle «tragique». Sur son compte twitter, l’écrivain britannique Salman Rushdie, s’est lui-aussi exprimé: «C’est très triste. Un vrai géant, un inspirateur et un ami. «Joue du tambour pour lui, petit Oskar», a-t-il écrit, en référence au héros du «Tambour».
Enrôlé à onze ans dans les Jeunesses hitlériennes
Né le 16 octobre 1927 à Dantzig, devenue Gdansk dans l’actuelle Pologne, d’une mère d’origine cachoube (une minorité slave de Prusse) et d’un père allemand, Grass vit une «jeunesse allemande modèle» pour sa génération. Enrôlé à onze ans dans les Jeunesses hitlériennes avant de partir sur les champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale, il est fait prisonnier à la fin de la guerre par les Américains et libéré en 1946.
Il mène une vie de bohème, suit des études d’arts plastiques, sculpte, peint, s’essaie à la poésie. Il se décide dans les années 50 pour une carrière d’écrivain et va s’engager plus tard aux côtés des écrivains antifascistes du «Groupe 47» et du social-démocrate Willy Brandt.
Parmi ses engagements les plus marquants des dernières années, celui en faveur de la coalition «rouge-verte» alliant les sociaux-démocrates du chancelier Gerhard Schroeder aux écologistes, ou contre la «croisade» du président américain George W. Bush contre l’Irak.
En 2006, M. Grass avait reconnu avoir fait partie dans sa jeunesse des Waffen SS, unité d’élite du régime d’Adolf Hitler, lui qui avait pourtant souvent renvoyé cruellement l’Allemagne à son passé nazi.
L’écrivain, père de quatre enfants, qui vivait à Lübeck (nord), avait déclenché une vive polémique en 2012 en publiant dans la presse allemande un poème critiquant Israël et accusant le pays de «menacer la paix mondiale». L’Etat hébreu l’avait alors déclaré persona non grata.
(afp)