
Pas moins de 45 personnes sont poursuivies. Les huit principaux accusés, absents à l’ouverture de la procédure, devront comparaître mercredi. Très attendu, le procès a débuté dans la matinée dans la ville d’Akhisar (ouest), à une quarantaine de kilomètres des lieux du drame, sous très forte protection policière et dans la plus grande confusion.
Les centaines de parties civiles ont bruyamment dénoncé le fait que les huit responsables de la compagnie Soma Kömür, inculpés de «meurtres», ne soient pas présents à cette première audience. Les autorités ont invoqué des menaces pour leur sécurité.
Les accusés devaient témoigner par vidéoconférence depuis leur prison d’Izmir, à quelque 80 km plus à l’ouest. Les juges ont finalement décidé qu’ils devaient être amenés à la cour pour pouvoir être entendus, conformément aux demandes insistantes des avocats des familles des victimes en colère.
Les huit responsables sont poursuivis pour avoir délibérément négligé la sécurité de leurs ouvriers au nom d’une course effrénée à la rentabilité. Le procureur a requis contre eux des peines allant jusqu’à 25 ans de prison pour chacune des victimes de l’accident.
Trente-sept autres personnes, techniciens et ingénieurs de la société ou agents du ministère de l’Energie chargés de contrôler la mine, sont poursuivis pour homicides involontaires.
Rendre des comptes
Avant le début des audiences, quelque 200 parents des victimes étaient arrivés en cortège devant le centre culturel d’Akhisar aménagé pour l’occasion en tribunal. Ils se sont placés derrière une immense banderole noire portant les noms des 301 ouvriers morts le 13 mai 2014, ont rapporté des journalistes.
«L’Etat meurtrier rendra des comptes», ont scandé les manifestants, réunis par plusieurs syndicats et partis politiques de gauche, hostiles au gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan.
Un an après la fronde antigouvernementale de juin 2013, l’accident de Soma avait réveillé la contestation contre Recep Tayyip Erdogan, aujourd’hui chef de l’Etat. Il est accusé d’avoir négligé l’ampleur du drame et couvert les fautes des dirigeants de l’entreprise exploitante, présentés comme proches du pouvoir.
Emanations mortelles
Le drame s’est noué le 13 mai 2014 en début d’après-midi, lorsqu’un incendie a éclaté dans un des puits de la mine de charbon du groupe Soma Kömür. Quelque 800 mineurs qui travaillaient à plusieurs centaines de mètres sous terre ont alors été piégés.
Selon l’enquête de la justice, l’incendie s’est rapidement propagé à plusieurs galeries, envahies par les flammes et les émanations mortelles de monoxyde de carbone. De nombreux mineurs sont morts brûlés ou intoxiqués. Après quatre jours de recherche, le bilan définitif de la catastrophe s’établira à 301 morts et 162 blessés.
Mine surexploitée
Dans les mois qui ont suivi, les experts judiciaires ont confirmé les premiers témoignages des rescapés et des collègues des victimes. Ceux-ci imputent à Soma Kömür une impressionnante série de défauts de sécurité: du manque de détecteur de monoxyde de carbone au mauvais fonctionnement des masques à gaz des mineurs.
Les procureurs ont également mis en cause la «surexploitation» de la mine par l’entreprise et son PDG Can Gurkan, le principal accusé du procès. Ce dernier se vantait avant l’accident d’avoir divisé par cinq le coût de production de la tonne de charbon.
Ministre visé
A moins de deux mois des élections législatives du 7 juin en Turquie, les avocats des familles des victimes ont annoncé leur intention de mettre en cause le gouvernement à la barre, notamment l’actuel ministre de l’Energie Taner Yildiz. Il avait rouvert en grande pompe la mine en 2013 en la présentant comme une des plus modernes et des plus sûres de la planète.
(ats)