
par la CEDEAO pour la circulation des biens et des personnes, Kidira ( localité frontalière du Sénégal Oriental et trait d’union entre le Sénégal et le Mali), constitue ce jour, un calvaire pour les transporteurs, obligés d’attendre des heures interminables pour des opérations de dédouanement ou autres contrôles routiers. Tous les matins, c’est le même décor qui s’offre à la population de Kidira. Les chauffeurs désignent la mairie de Kidira comme responsable de cette situation. Elle dit faire de son mieux pour trouver une solution à cette situation fâcheuse. iGFM s’est rendue à Kidira pour une enquête sur les tracasseries à la frontière entre le Sénégal et le Mali.
Erigée en commune à part entière en juillet 2008, Kidira est une localité frontalière du Sénégal Oriental. Trait d’union entre le Sénégal et le Mali, cet ancien village de la communauté rurale de Bélé du département de Bakel, région de Tambacounda vit un véritable calvaire dû à l’occupation anarchique de la voie publique. Des camions gros porteurs du matin au soir stationnent au bord de la route nationale. Une situation qui rend difficilement la circulation à l’entrée comme à la sortie de Kidira.
«Nous ne pouvons être responsables de l’occupation anarchique de la voie publique parce qu’une fois à Kidira, nous payons la taxe de stationnement estimée à 1000 francs par jour et par camion. Donc, c’est aux autorités de faire tout pour organiser les camions dans la ville», explique Ibrahima Tangara, un chauffeur malien rencontré à Kidira. Qui ajoute : « en tout, nous ne sommes que des chauffeurs. Si les autorités nous demandent d’aller nous stationner dans un endroit de la ville, nous irons sans broncher. Mais, elles nous ont rien dit en ce sens montré, c’est pourquoi, vous voyez des camions stationner sur la voie publique. Il faut savoir aussi que cette voie qui mène vers la frontière est très réduite de telle sorte qu’au abord, le stationnement est impossible parce que occupés par des vendeurs, mécaniciens entre autres personnes en activité».
Assis au volant de son camion de couleurs grise-blanche, l’homme au visage sombre regrette le fait que des camions stationnent sur la voie publique. «Ceci n’est pas normal parce qu’il rend difficile la circulation. Les autres voitures, motocyclistes et même piétons peinent à se frayer un passage», a-t-il lancé.
L’occupation anarchique de la voie publique n’est pas un phénomène nouveau. A Kidira, il existe depuis plus de 10 ans, malheureusement, jusqu’au moment où je vous parle, il n’y a toujours pas de solution que ce soit du côté de l’Etat ou de celui de la mairie. A mon avis, la seule solution qui s’impose, c’est de construire un parking pour les gros porteurs. Ainsi, une fois à Kidira, ils pourront y aller directement en attendant que leurs formalités soient faites au niveau de la douane à la frontière», a déclaré Modibo Coulibaly.
Selon Assane Mbaye, chauffeur de son état, «il parait qu’un parking est en construction, il y a de cela un an. Quand j’ai entendu cette bonne nouvelle, j’en étais très content, mais hélas ! Je suis resté sur ma faim. Un projet aussi important que cela ne doit pas durer. Cela permettrait même de résoudre une épineuse question du désencombrement de la voie comme cela se fait à Dakar dans les collectivités locales par Khalifa Sall et Cie. Nous ne sommes que des chauffeurs. Et Kidira fait partie des endroits d’escale, donc une fois à Kidira, nous sommes obligés d’y rester autant de jours possibles pour des formalités avant de reprendre la route vers le Mali, le Togo, la Côte d’Ivoire ou même le Bénin», a soutenu avec regret, le chauffeur sénégalais.
L’occupation anarchique de la voie publique demeure un casse-tête pour la mairie qui est en train de trouver des solutions à ce phénomène qui n’a que trop duré.
«Comme vous l’avez constaté, le problème de stationnement de gros porteurs sur la voie publique, nous pose d’énormes difficultés. Le long de la route nationale est occupé par des gros porteurs qui s’y stationnent pendant des jours. Cette situation n’est pas sans conséquence. Nos populations ne sont pas du tout en sécurité parce qu’il y en a des camions qui transportent de l’essence ou de produits chimiques. Ils constituent un grand danger pour ces populations de Kidira», a regretté le 2e adjoint au maire de Kidira.
Samba Abdoul Diallo de rappeler les conséquences de l’occupation anarchique de la voie publique et propose une solution. «Celle-ci fait qu’on ne peut pas circuler ni en vélo, ni par moto encore moins à pieds. C’est un grand problème. La solution à ce problème, n’est pas pour demain parce que la solution est de construire un parking. Ce qui est impossible pour la mairie. La construction d’un parking demande de gros moyens financiers. Malheureusement, la mairie n’en dispose pas. Lors de l’évaluation relative à la construction de ce parking, on parle d’environ 500 millions de francs CFA. Le budget de la commune est en deçà de cette somme. Donc, c’est impossible pour la mairie de Kidira de construire ce parking. Pour sa construction, nous avons fait un plaidoyer partout où nous devons le faire mais jusqu’au moment où je vous parle, il n’y a toujours pas de solution», dit-il.
Et de poursuivre : «cette affaire de construction d’un parking est entamé depuis le temps d’Abdoulaye Wade. Tantôt ils nous disent dans deux (02) mois, tantôt dans trois (03) mois, tantôt ils laissent entendre que le financement est acquis mais jusqu’à présent rien fait. Si la commune de Kidira avait les moyens financiers, elle aurait terminé les travaux mais son budget est maigre. Il ne peut pas réaliser ce projet de construction de ce parking».
En attendant la construction d’un parking pour gros porteurs, la mairie peine à trouver une solution alternative. «Il n’y a pas de solution alternative. Le seul endroit où nous pouvons rassembler les gros porteurs, c’est là où les travaux de construction du parking ont débuté. Là-bas, il y a déjà le terrassement. En tout cas, c’est là-bas où on peut rassembler tous les gros porteurs qui viennent à Kidira. Hormis ce site, il n’y a pas un autre parce que partout il y a des lotissements qui sont faits et de façon anarchique. Il n’y a pas un seul hectare de réserve à Kidira, tout est occupé. Toutes les terres et parcelles sont loties. Donc, il n’y a pas un autre endroit plus adéquat que ce site».
Les taxes des gros porteurs représentent plus de 90% du budget de la mairie
La première ressource de la mairie, si l’on se fie aux propos de l’adjoint au maire se limite aux taxes des gros porteurs. «Tout camion qui entre à Kidira paye 1000 francs CFA par jour. Notre budget dépend en majorité du paiement de ces taxes. C’est-à-dire les 90% du budget de la mairie de Kidira proviennent de ces taxes. On y gagne c’est vrai, mais il faut aussi que ces camions soient mis dans de très bonne condition parce qu’ils s’acquittent de leurs taxes. Il est très normal que les gens les mettent aussi dans de bonne condition avant qu’ils ne reçoivent leurs dossiers de transit».
L’occupation anarchique de la voie publique cause plus de conséquence pendant l’hivernage que la saison sèche. «Pendant la saison des pluies, on rencontre des camions qui transportent plus de 50 tonnes de marchandises. De peur de s’enfoncer, ils stationnent sur le goudron. Ce qui rend très difficile la circulation au niveau de cette partie de la ville. Pendant cette période, les voies de contournements ne sont plus praticables parce qu’il y a de l’eau partout, ce qui fait que seul le goudron est praticable, mais occupé par les camions gros porteurs», a-t-il soutenu.
En ce qui concerne les voies de contournement, dit-il : «l’Etat avait prévu des voies de contournement, il y a de cela deux (02) ans, avec des topographes venus faire le travail nécessaire sur place, mais depuis, rien n’est fait en ce sens».
Des bâtiments du parking de gros porteurs sortent de terre
En ce qui concerne la construction du parking, selon le représentant du maitre d’ouvrage, BET. Gaudillat, « toutes les autorités sont informées de ce projet. Le maire qui n’était pas informé au début, était obligé de s’enquérir de ce qui est en train d’être fait sur le site de sa commune, pour obtenir les documents du projet. C’est ainsi, qu’il s’en est rendu compte que nous sommes installés de manière légale». Et Mamadou Thiaw d’apporter des précisions. «Le maire Demba Thiam nous a demandés de lui faire part de la superficie dont nous avons besoin pour ce projet parce qu’il ne voulait pas qu’on construise sur des surfaces appartenant à autrui. Nous lui avons dit que nous avons besoin entre autres, d’un bâtiment administratif pour les douaniers et d’une zone de tonnage. Nous devons mettre un scanner au milieu. Donc, nous avons besoin de 118 sur 35 mètres carrés. Le reste de la superficie que vous voyez là-bas, permettrait aux camions de s’y stationner en attendant. Parce qu’ils ne peuvent pas tous être dans le seul. Ce genre de site, je l’ai vu au port de Dakar».
A l’en croire, le projet en question «est l’idée du Cotecna qui avait proposé à la douane nationale en vue de faciliter son travail de contrôle des camions remplis de marchandises. Des fois, il y a certains camions qui peuvent cacher des choses illicites. Mais avec le scanner, ils pourront voir tout ce qui est caché dans la marchandise contenue dans les camions».
Au niveau de Kidira, «nous avons prévu de construire deux (02) parkings du genre. L’un à Kidira (frontière Sénégal-Mali) et l’autre à Rosso Sénégal (frontière Sénégal- Mauritanie).
Les travaux de construction de ces ouvrages ont démarré le même jour. On avait un délai de trois (03) mois. On devait livrer les clés le 30 juin prochain, mais, on ne peut pas respecter ce délai parce qu’on nous a demandés de construire des fondations ce qui n’existait pas avant dans le cahier de charge. Et comme on ne peut pas faire en même temps avec le dallage, on a préféré attendre la finition du dallage pour faire les fondations».
Le scanner, le rêve de la douane…
Les douaniers sont plus que jamais déterminés à remplir leur mission de contrôle des camions remplis de marchandises qui entrent et sortent du Sénégal. C’est du moins ce que nous a confié l’Inspecteur de Douanes, Mamadou Lamine Diémé. «Vous n’êtes pas sans savoir que Kidira-Diboli est un axe où le trafic de produits illicites est devenu monnaie courante. Des cargaisons transportent ces produits et il n’est pas facile de les détecter à l’œil nu dans la marchandise. Je pense qu’avec le scanner, cela va nous faciliter la tâche surtout au niveau du contrôle des camions qui pourraient cacher des produits illicites comme la drogue entre autres. Autant de choses qui ont fait que nous avons besoin d’un scanner», a-t-il renseigné.
Il renchérit: «c’est la raison pour laquelle, nous avons adressé une demande à la mairie pour qu’elle nous octroie un espace pour l’installation d’un scanner pour contrôler les camions. La mairie de Kidira a donné suite favorable à cette demande en nous octroyant un espace de 118 sur 34 mètres pour l’installation du scanner».
Selon l’inspecteur des Douanes, «le Cotecna, depuis mi-avril, a commencé les travaux au niveau du site octroyé par la mairie de Kidira. Et depuis lors, presque chaque 15 jours nous faisons des réunions d’évaluation pour s’enquérir de l’état d’avancement des travaux de construction. En tout cas, nous sommes très contents de la réalisation de ce projet qui nécessite de gros moyens financiers. Les travaux ont débuté, il y a de cela trois (03) mois. Ils sont réalisés à plus de 90%. Une fois ce scanner installé, des agents de la douane seront au niveau du site pour s’occuper du contrôle des camions qui sont remplis de marchandises».
A ceux qui pensent que la douane va quitter la frontière pour ce site. « Il faut retenir que la douane ne peut pas se délocaliser au niveau de ce site mais, il y aura quelques agents qui y seront pour poursuivre le travail de contrôle. C’est-à-dire, il y aura simplement un bureau de douane au niveau du site où il y aura le scanner. Des agents vont faire le travail de contrôle à avec le scanner comme cela se fait au niveau du port autonome de Dakar, même si les conditions ne sont pas identiques. Ici, nous n’avons pas assez de moyens matériel comme au port autonome. Ici le travail de contrôle se fait par des personnes qui fouillent des marchandises, ce qui n’est pas facile de détecter les produits illicites».
A propos de manque de moyens matériel, «nous ne sommes pas dans l’ère de l’informatique. Tous les dossiers sont traités manuellement. C’est-à-dire, ils sont tapés à partir de la machine. Donc, ils ne sont pas informatisés. Ce qui fait que quelques fois, nous accusons du retard dans le traitement de certains documents», a-t-il regretté.
Malgré tout, dit-il, «nous faisons correctement notre travail de contrôle des camions. Cela se fait avec les transitaires aussi. Par exemple, si un client vient pour les besoins de transit de sa marchandise, on lui met en rapport avec un agent accrédité par la douane qui connait bien le travail. Celui-ci va s’occuper de son dossier ce qui va lui faciliter le travail. Cela nous permet d’harmoniser le travail».
L’installation du scanner hante le sommeil des transitaires privés. «Comme disait l’adage, le bonheur des uns fait le malheur des autres. Dans la vie, il faut s’attendre à tout. Malgré les conséquences sur le travail des transitaires, cela ne peut pas empêcher la douane de faire son travail de contrôle à l’aide du scanner. Cela ne doit pas non plus, être une raison qui va empêcher la douane de ne pas disposer d’un tel moyen de contrôle de camions» a dit le transitaire, M. Thiaw.
Le travail de transit au niveau de la frontière…
Chaque matin, tous les transitaires maliens et sénégalais se retrouvent sous un arbre en attendant leurs clients. Regroupant sous cet arbre au niveau de la frontière, jeunes, vieux de tous les âges d’un regard attentif, parcourent les rues et les artères qui mènent à cet arbre. Malgré ce constat, M. Diallo précise «ce qu’il faut comprendre, c’est que chaque chauffeur a un transitaire qui s’occupe de son dossier. Donc, une fois qu’il arrive à Kidira, c’est à celui-ci qu’il va remettre son dossier. Après avoir pris le ou les dossier(s), le transitaire va au bureau pour faire l’état des choses pour établir ce qu’on appelle le carnet trié. Après l’avoir établi, on l’amène à la douane, après les noms de tous les camions sont écrits sur une liste qu’on appelle le convoi».
A l’en croire, «après cela, le transitaire remet le dossier de transit au chauffeur lui notifiant qu’il fait partie des camions qui font partir soit sur Kayes, soit sur Bamako. Ces lieux de destinations sont choisis par le propriétaire pour le dédouanement de sa marchandise. Diboli (Mali) est un bureau secondaire. Sa capacité de dédouanement est très réduite contrairement à Kayes et Bamako qui sont des bureaux principaux».
Un autre transitaire rencontré sur place, même s’il dit n’être pas habilité à répondre à nos questions, donne la composition du dossier de transit. Selon lui, «le ou les dossier(s) est/sont composé(s) par les deux cartes grises et le permis de conduire ou des deux cartes grises mais comme il y a des risques de perte, certains prennent juste la carte grise ou les numéros d’immatriculation du camion».
Tapa TOUNKARA (Envoyé spécial à Kidira) / iGFM /