Législatives en Grèce: «Syriza, c’est à la fois l’espoir et un saut dans l’inconnu»

 

Toute l’Europe va scruter dimanche les résultats des législatives anticipées en Grèce. Donné gagnant par les sondeurs, le parti anti-austérité Syriza pourrait transformer la Grèce en laboratoire d’une alternative politique après cinq ans de sacrifices imposés par l’Europe et le FMI. A Berlin et Bruxelles, comme dans les milieux financiers, on s’inquiète de ce possible tournant historique. Alexis Tsipras, le leader de Syriza, cherche à obtenir une majorité absolue parmi les 300 députés de la Vouli, le parlement grec. Car les alliances possibles pour une coalition gouvernementale semblent compliquées à négocier. Décryptage avec Gerassinos Moschonas, politologue à l’université Panteion d’Athènes.

– Syriza est qualifié de parti de la gauche radicale. Est-ce le cas?
Oui et non. Du point de vue organisationnel et culturel, c’est un parti de la gauche radicale. Mais son programme politique et économique tient compte des contraintes liées à l’Union européenne et à l’état économique de la Grèce. Il assume de ce point de vue la fonction d’une sorte de parti social-démocrate. Sauf que l’UE ne le perçoit pas comme tel. En cela, il est radical.

– Ce succès annoncé est-il aussi lié à l’effondrement du Pasok, le Parti socialiste grec
En partie seulement. Le Pasok est affaibli depuis 2012. Il souffre surtout d’une scission avec le départ de Georges Papandréou qui a créé sa propre formation, Kinima.

– Le parti de droite, Nouvelle démocratie, pourtant associé aux politiques d’austérité, résiste mieux, non?
Attendons le résultat de l’élection avant de le dire. Dans le système électoral grec, le bonus de 50 sièges au parti arrivé en tête pousse au vote utile. Si le second n’est pas trop distancé par le premier dans les sondages, il peut résister. S’il est loin dans les intentions de vote, il est défavorisé.

– Et qu’en est-il d’Aube dorée, le parti d’extrême droite dont la direction est en prison?
Le score d’Aube dorée est la grande inconnue de ce scrutin. La situation est inédite: tous ses leaders sont en prison mais le parti présente des candidats. Dans la société, sa stigmatisation et le cordon sanitaire qui s’est créé autour de lui l’ont isolé et affaibli. Avec qui Syriza peut-il gouverner s’il n’a pas la majorité seul? Il faudrait déjà savoir quels partis passeront la barre des 3% d’exprimés et seront représentés au parlement. La coalition la plus vraisemblable serait une alliance avec le parti des Grecs indépendants. Bien que cette formation soit nationaliste et très conservatrice culturellement, elle partage la ligne anti-austérité de Syriza. Faire alliance avec le Pasok, qui est pro mémorandum européen, ne ferait pas une coalition solide. La stratégie de Syriza est donc de chercher une majorité, seul.

– Syriza suscite de l’espoir?
Pour une partie de la population, oui. Pour d’autres, il inquiète. Il y a une ambivalence de sentiment chez chaque grec: espoir et peur du saut dans l’inconnu. Syriza peut-il faire basculer l’Europe vers d’autres choix? Il paraît difficile qu’un pays de taille moyenne, délégitimé par sa situation économique puisse peser sur les choix européens. Mais Syriza a ouvert un débat. Il représente symboliquement l’éventualité d’une autre politique. En ce sens, il joue le rôle d’une locomotive pour la gauche européenne. Il a d’ores et déjà contribué à un changement d’ambiance idéologique.

– Syriza arrive à point. Le «sale boulot» a été fait en partie, non?
En partie, oui. Mais il reste beaucoup à faire. L’économie est encore fragile. Depuis l’échec de la présidentielle, il y a eu une fuite des capitaux, qui va continuer si Syriza arrive aux affaires. Cela ne favorisera pas la croissance. Les rentrées fiscales vont aussi souffrir des incertitudes électorales. Si des tensions avec l’UE s’ajoutent à cela, les indicateurs vont se détériorer.

(24 heures)