Colombie Accord de paix historique entre Bogota et les FARC

Le gouvernement colombien et la guérilla des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) ont scellé mercredi à Cuba un accord de paix historique visant à mettre un terme définitif à un conflit de 52 ans qui a fait des centaines de milliers de victimes.

Au terme de près de quatre ans d’âpres négociations à La Havane, les parties se sont entendues sur «un accord final, intégral et définitif» qui devra être soumis à référendum le 2 octobre prochain avant d’entrer en vigueur.

Cet accord sur les six points de l’agenda des pourparlers est voué à «mettre définitivement fin à un conflit armé de plus de 50 ans», indique un texte signé par les négociateurs. Il marque aussi la clôture officielle des pourparlers menés depuis novembre 2012 à La Havane sous l’égide de Cuba et la Norvège.

Un moment «historique»

Un peu partout dans le pays, de nombreux Colombiens sont sortis dans les rues jusque tard mercredi soir, brandissant le drapeau national bleu, rouge et jaune, ou des ballons ornés du simple mot «Oui» pour manifester leur soutien à la paix.

«Difficile de croire que l’on peut vivre assez pour voir de telles choses, historiques pour le pays», s’est émue Marcela Cardenas, une employée de 24 ans. Elle n’a connu son pays qu’en guerre et ne cache pas ses doutes quant à la «transformation» à venir, craignant «quelque chose de plus difficile que ce que nous avons déjà vécu».

«En avant avec la paix, en avant», scandait un jeune rappeur enthousiaste de la cité caribéenne de Barranquilla devant les caméras de télévisions locales.

Le combat des idées commence

«On peut maintenant proclamer que le combat des armes a pris fin, et commence celui des idées», a réagi peu après l’annonce le chef négociateur et numéro 2 des Farc Ivan Marquez, évoquant la future transformation de la guérilla en mouvement politique.

Depuis Bogota, le président colombien Juan Manuel Santos s’est félicité avec «une profonde émotion, une grande joie» de la conclusion de l’accord et a salué la fin de «la tragédie de la guerre». «Colombiens, la décision est entre vos mains», a-t-il déclaré, assurant à ses compatriotes que le référendum serait le vote «le plus important» de leur vie.

En Colombie, l’annonce faite à Cuba a été accompagnée de manifestations de joie. «On a pu le faire ! On a pu le faire !», se réjouissaient dans les rues de Bogota des habitants.

Obama félicite Bogota

A Washington, la Maison blanche a annoncé que le président Barack Obama avait appelé son homologue colombien pour le féliciter en ce «jour historique». Les Etats-Unis financent depuis février un plan de paix de 450 millions de dollars en Colombie.

Quatrième tentative de paix depuis le début du plus ancien conflit du continent en 1964, ce processus a failli achopper à plusieurs reprises. Mais un dénouement favorable était attendu depuis le 23 juin dernier, lorsque la guérilla marxiste et le gouvernement ont conclu un accord portant sur un cessez-le-feu bilatéral et définitif et sur le désarmement des Farc.

Au cours des mois ayant précédé cet accord, les affrontements avaient été contenus à un niveau jamais atteint depuis des décennies, notamment à la faveur d’un cessez-le-feu unilatéral observé par les Farc depuis juillet 2015.

Contrôle tripartite du cessez-le-feu

Une fois l’accord de paix final validé, la rébellion doit commencer à réunir ses troupes pour les désarmer. Le cessez-le-feu devra être contrôlé par un mécanisme tripartite comprenant le gouvernement, les Farc et une mission de l’ONU.

Les délégations n’ont pas précisé si l’accord définitif devra être signé par le président colombien et le chef suprême des Farc Timoleon Jimenez, dit «Timochenko», avant d’entrer en vigueur.

Dans un parc du nord de la capitale, plusieurs centaines de Colombiens ont religieusement suivi l’annonce de mercredi soir sur écran géant, arborant notamment des ballons imprimés d’un «Oui», mot d’ordre des partisans de l’accord dans la perspective du référendum. «Ce n’est pas la paix, c’est un pas vers la paix, mais cela va unir un pays qui en avait grand besoin», déclarait très émue à l’AFP Marcela Cardenas, 24 ans.

Une amnistie prévue

Selon le protocole établi, le désarmement des Farc devra être bouclé en 180 jours. Les deux parties se sont aussi mises d’accord sur la façon de juger les militaires et rebelles accusés des crimes les plus graves pendant un conflit qui a officiellement fait quelque 260’000 morts, 45’000 disparus et 6,9 millions de déplacés.

Une amnistie est prévue pour ceux ayant commis des actes moins graves comme la rébellion ou le port illégal d’armes.

En vue du référendum, de récents sondages indiquent que le «oui» devrait l’emporter, mais une forte opposition se fait entendre, dans le sillage de l’ex-président (2002-2010) Alvaro Uribe, principal opposant aux pourparlers.

La guerre pourrait revenir

Ce scrutin «marquera le début (de la paix). Si le non l’emporte, des accords peuvent être remaniés d’un point de vue juridique mais ce serait politiquement très compliqué. La guerre pourrait revenir», explique à l’AFP Ariel Avila, analyste du conflit de l’Observatoire de la paix et de la réconciliation.

Si cette paix se concrétise, elle ne signifiera pas pour autant la fin immédiate du conflit en Colombie, où la seconde guérilla du pays, l’Armée de libération nationale (ELN) et les bandes criminelles continuent de défier le gouvernement.

Mais l’espoir est permis avec ces avancées cruciales, conjuguées à l’annonce en mars de futurs pourparlers de paix entre Bogota et l’ELN.

(ats/nxp)