Rapprochement «glacial» entre la Chine et le Japon

«La Chine et le Japon ont besoin l’un de l’autre. D’une certaine façon, nous sommes liés de manière inséparable.» Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a exprimé aujourd’hui une évidence après sa première rencontre avec le président chinois, Xi Jinping, à Pékin: les deux puissances économiques de la région sont interdépendantes. La Chine est en effet le premier partenaire commercial du Japon (18,1% des exportations, 21,3% des importations). «Ces deux économies sont en outre complémentaires», confirme le professeur Lanxin Xiang, du Graduate Institute de Genève.

Aujourd’hui, lors du sommet de Pékin, les dirigeants de l’Asie-Pacifique ont approuvé la feuille de route de l’Apec (le forum de coopération économique de l’Asie-Pacifique) pour aboutir à une vaste zone de libre-échange dont le fer de lance est Pékin. Avec cet accord qui la lie aux Etats-Unis et au Japon notamment, la Chine est en passe de réussir à englober le Partenariat transpacifique promu par Washington dans le cadre de sa nouvelle politique de «pivot asiatique», qui excluait volontairement Pékin. Le premier ministre japonais regrettait hier qu’aucun sommet bilatéral n’ait été organisé durant plus de deux ans avec la Chine. Shinzo Abe sait pourquoi. Le président Xi Jinping aussi. Tous deux utilisent le nationalisme à usage interne pour détourner l’attention de l’opinion publique ou la mobiliser. Les contentieux entre les deux pays ne manquent pas en effet. Ils expliquent ce que les journaux qualifiaient lundi de «poignée de main glaciale» entre les deux chefs d’Etat, pour la première rencontre entre les deux voisins.

La querelle de souveraineté sur les îles Senkaku (Diaoyu pour les Chinois) n’a pas cessé ces derniers mois. «C’est plus l’expression du nationalisme qu’une guerre pour les ressources, estime le professeur Xiang. La nationalisation de l’île par le Japon en 2012 a fermé toute possibilité de négociation.» En Chine, la propagande antijaponaise, nourrie par le contentieux historique des guerres et de la colonisation japonaise en Chine, est largement diffusée dans les médias comme à l’école. En 2012, des commerces et des voitures japonaises avaient été détruits à Pékin par des manifestants probablement encouragés par les autorités chinoises.

La surveillance de l’espace aérien décrété par la Chine avait aussi fait réagir le Japon et son allié américain. A la fin de 2013, le «pèlerinage» du premier ministre Abe au sanctuaire de Yasukuni – qui honore la mémoire des Japonais morts au combat, y compris de dirigeants reconnus coupables de crimes de guerre à l’issue de la Seconde Guerre mondiale – a été ressenti comme une «provocation», rappelle le professeur Xiang.

L’éditorial du quotidien nationaliste Global Times prévenait d’ailleurs que toute nouvelle visite du premier ministre japonais à Yasukuni rendrait caduc le léger réchauffement amorcé lundi à Pékin. Derrière ces tensions se profile aussi une rivalité à une autre échelle. Celle des Etats-Unis, allié du Japon, qui a renforcé sa présence militaire en Asie pour contenir la Chine.

(TDG)