«La Suisse doit geler les avoirs nord-coréens»

Après le refus de Didier Burkhalter de geler les comptes bancaires des dignitaires nord-coréens, Ahn Myeong Cheol tente avec l’appui de l’ONG UN-Watch de sensibiliser les parlementaires suisses et cherche des appuis auprès de la communauté internationale.

Comment faut-il interpréter la libération des deux prisonniers américains intervenue des derniers jours? La Corée du Nord a-t-elle voulu envoyer un signal d’ouverture?

Le régime essaie seulement de gagner du temps et de faire retomber la pression parce que l’ONU travaille à un projet de résolution qui pourrait préconiser son renvoi devant la Cour pénale internationale (CPI). Cette libération ne doit pas être interprétée comme un signe d’assouplissement. C’est une manœuvre. La communauté internationale ne doit surtout pas relâcher la pression qu’elle exerce sur le gouvernement nord-coréen. Ce n’est pas le moment.

Selon vous, pourquoi la Suisse montre autant de réticences à geler les comptes de Kim Jong-Un et de sa famille?

Je l’ignore mais le parlement suisse doit intervenir. Les conclusions de la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme en Corée du Nord sont accablantes. Il faut faire quelque chose pour desserrer l’étau de la répression. Pour atteindre ce régime, il faut bloquer l’argent.

A-t-on une idée de la somme qui se trouve cachée en Suisse? Qui gère cet argent?

Il y a un groupe d’officiers supérieurs dont l’identité est ultra-secrète qui ont pour mission de gérer l’argent placé à l’étranger ou dans des paradis fiscaux. Ces hommes jouissent d’un grand pouvoir. C’est de l’argent sale et illégal qui a été volé ou qui provient de trafics. C’est pour cela que la Suisse doit le bloquer.

Qu’en est-il des zones de développement économique ouvertes par la Corée du Nord?

Il y a quatre grands projets qui prévoient notamment des rapprochements avec la Chine, la Russie et la Corée du Sud mais ça ne marche pas. Le régime cherche toujours des investisseurs. L’expérience montre qu’il faut être très prudent lorsqu’on veut faire des affaires avec la Corée du Nord. Les sociétés qui avaient signé des contrats dans le secteur des télécommunications n’ont jamais vu leurs projets aboutir. Les entreprises étrangères doivent réfléchir à deux fois avant d’aller investir là-bas.

Avez-vous des informations sur l’état de santé de Kim Jong-Un?

Il souffre de diabète. C’est un problème héréditaire. Son père avait la même maladie. Je pense que ses ennuis de santé ont été amplifiés par le stress. Kim Jong-Un a mal supporté la pression. Il n’était pas préparé à prendre le pouvoir. Du jour au lendemain, il s’est retrouvé à la tête du pays, à devoir faire de la politique. Vu de l’extérieur, tout semble calme. Mais en réalité, la situation est instable et le régime est en proie à des tensions internes. Certains militaires de haut rang ne veulent pas perdre leur pouvoir.

Est-il vrai que sa plus jeune sœur, Kim Yo-Jong, qui, elle aussi, a fait des études en Suisse, serait de plus en plus influente?

C’est vrai. C’est aussi une tradition en Corée du Nord. La sœur du leader a souvent une place de premier plan dans la gestion des affaires du pays.

(TDG)