Tambacounda: mutilations génitales féminines, L’argumentaire religieux et sanitaire discuté et partagé par les leaders d’opinion.

Dans le monde, plus de 130 millions de filles et de femmes sont des victimes des mutilations génitales féminines. Chaque année, environ 3 millions de filles dans le monde subissent la pratique. Si cette tendance perdure, environ 86 millions de filles y seront soumises d’ici 2030. En Afrique, environ 92 millions de femmes et de jeunes filles ont été excisées, parfois dès l’âge de 10 ans.

Au Sénégal, près d’une femme sur quatre âgée de 15-49 ans a déclaré être excisée. Une récente étude sur la pratique des mutilations génitales féminines chez les filles au Sénégal réalisée par le Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan donne un éclairage nouveau. Les régions de Kédougou, Matam, Sédhiou, de Tambacounda, Kolda, Ziguinchor sont les plus touchées.

Pour faire face à la situation et essayer d’inverser la tendance, un partage de l’argumentaire des religieux ainsi que celui des acteurs de la santé sur l’excision est initié à Tamba pour éclairer la lanterne de certaines populations encore fortement ancrées dans la pratique qu’elles considèrent même comme recommandée par l’Islam. Pour Mabinta Sambou de la région médicale, il s’agit de sensibiliser les leaders d’opinion au niveau des différentes localités afin qu’au sortir de cette rencontre, qu’ils puissent porter le message et à leur tour, informer et sensibiliser leurs concitoyens sur la position de l’islam sur la question des mutilations génitales. La chargée de l’IEC de la région médicale de poursuivre en faisant dans le détail, les organisations communautaires de base, les imams, les communicateurs traditionnels, les bajenu Gox, entre autres leaders d’opinion ont pris part à la rencontre, se réjouit-elle. L’objectif de cette large convocation des différents acteurs est de vulgariser l’argumentaire religieux et sanitaire sur l’excision des femmes et des filles, pour mettre un terme à ce fléau qui gangrène la vie des femmes. Selon elle, malgré les énormes efforts consentis depuis lors dans la lutte, force est de constater que le phénomène reste toujours d’actualité dans certaines contrées de la régin voire du pays. Et généralement, constate-t-elle, ce sont les communautés qui en ont fait une affaire religieuse qui tarde à être convaincues, d’où l’importance de partager et de discuter l’argumentaire religieux afin de les amener à lâcher les couteaux destructeurs des carrières et de la santé des jeunes filles et des femmes. Les imams de de vrais porteurs de voix. Tous les vendredis, ils s’adressent aux populations à travers leurs prêches. C’est pourquoi, ils ont été conviés pour discuter avec les séminaristes l’argumentaire religieux mais aussi à leur retour, informer et sensibiliser leurs concitoyens sur le fléau.

Ni le coran, ni les hadiths ne l’ont enseignée.

Ceux-là qui pensent que l’excision est une pratique recommandée par l’islam, se fourvoient. Dans aucun verset ou sourate du coran, il n’est recommandé cette pratique. Mieux, poursuit l’imam Babacar du quartier Plateau, celui sur qui tous les musulmans copient, ne l’a jamais ordonné ou fait pratiquer. Le religieux poursuit, le prophète avait 4 filles mais, aucune d’entre elles n’a subi la pratique. Suffisant pour qu’il martèle que juste d’une norme sociale qu’il s’agit et non de quelque chose recommandée ou ordonnée par le coran ou le prophète. Aujourd’hui que des études médicales ont prouvé que la pratique présente des conséquences néfastes chez la femme, il faut la bannir pour sauver la vie de nombreuses femmes qui perdent la vie en cherchant de la donner. Une norme sociale, aussi importante soit-elle, si elle finit par causer des torts aux populations, elle est à bannir, explique le religieux qui appelle à un abandon de la pratique.

Des exciseuses soutiennent l’abandon.

F. K, une ancienne exciseuse, présente à la rencontre de partage de l’argumentaire religieux sur la pratique soutient avoir depuis plusieurs années déposé son couteau. « Depuis que j’ai été informée des conséquences sanitaires de la pratique sur la femme et des risques qu’elle cause, j’ai tout de suite pris l’engagement en moi, d’arrêter d’exciser les jeunes filles », explique-t-elle. J’ai aujourd’hui des petites filles mais, elles ne sont pas excisées et ne le seront jamais, renchérit cette ancienne exciseuse. Cependant, elle martèle que beaucoup d’anciennes exciseuses ont jeté leurs couteaux mais peinent aujourd’hui à joindre les deux bouts car, elles ne vivaient que des revenus tirées de la pratique. Pour mieux les garder dans cette position, il faut nécessairement que l’état vole à leur secours en les créant des activités génératrices de revenus sinon, avertit-elle, la tentation est là encore pressante.

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Par Abdoulaye Fall/ www.tambacounda.info /