
” A la veille de l’exploitation de différentes ressources découvertes dans le pays, la préoccupation de la jeunesse devrait être tout autre que de vouloir prendre le large. “
La recrudescence du phénomène de l’émigration clandestine notée ces temps-ci, semble intriguer l’ancien patron de la cellule des projets et programmes du ministère des finances. D’autant plus que selon Bakary Signate, à la veille de l’exploitation de plusieurs ressources découvertes dans le pays, la préoccupation de la jeunesse devait se poser en terme de formation et/ou de renforcement de capacités et non de vouloir prendre au risque de sa vie, le large.
1) Quelle lecture faites-vous de la recrudescence de l’émigration clandestine ?
Je vous remercie de me donner l’occasion de partager mon point de vue sur une question d’actualité aussi importante que celle relative à l’immigration clandestine.
Ma lecture par rapport à la recrudescence du phénomène me fait dire, à l’instar de bon nombre de Sénégalais, qu’en même temps que je suis choqué par l’ampleur des pertes en vies humaines, je reste très préoccupé par la question.
En réalité, elle ne concerne que l’une des forces vives de notre pays à savoir la jeunesse.
Sans même m’attarder sur les chiffres concernant les morts d’autant que perdre même une seule vie, est de trop, je me pose moult questions au sujet de cette jeunesse dont la préoccupation, en cette veille de l’exploitation de différentes ressources découvertes dans notre pays, devrait se poser en terme de formation et/ou de renforcement de capacité pour être absorbable par les possibilités qui se profilent en lieu et place d’un hypothétique eldorado. Aujourd’hui cette jeunesse devait mettre le focus sur la formation dans les métiers du pétrole pour pouvoir être utile et réponde au profile de l’emploi. Bientôt, les ressources découvertes vont être exploitées. Ces jeunes qui s’adonnent à un hypothétique eldorado devaient prendre conscience du fait et profiter des opportunités offertes en terme de formation et de renforcement de capacités pour être absorbables aux emplois qui seront offerts. Malheureusement, ils n’ont pas lu entre les lignes pour vouloir se lancer dans une aventure incertaine et suicidaire.
A leur décharge, je comprends aussi sans accepter la réponse généralement servie ” dama beugue tékki nguir téral souma ay wadiour “. NDLR : (Je veux réussir pour aider mes parents). Je comprends toute la noblesse de l’objectif sans en partager les voies et moyens qu’ils se donnent pour y arriver car, ceux-ci ne reposent que sur de l’aléatoire.
D’abord arriver à destination n’est pas évident ensuite, par extraordinaire une fois sur place, trouver un emploi pour pouvoir régler les difficultés du quotidien au pays est tout aussi improbable. Au total, ce phénomène ressemble plus à une aventure qu’à toute autre chose.
Si aujourd’hui on parle de plus en plus de clandestin, c’est bien parceque le ” légal ” n’est pas à la portée de tous, d’où la théorie du contournement de l’obstacle à défaut de le surmonter.
2) Que répondez-vous à ceux-là qui pensent que c’est dû à une mauvaise politique de l’état en matière de politique d’emploi des jeunes ?
A ceux qui accusent la politique de l’Etat en la matière, je voudrais leur faire un certain nombre d’observations :
La question du sous-emploi touche tous les pays y compris ceux développés.
Le rôle d’un État est plus de favoriser la création d’emplois par des agents économiques tels les entreprises du secteur privé en améliorant surtout leur environnement .
N’est-ce pas le sens de toutes ces structures créées par l’Etat, chacune avec sa mission pour stimuler le développement des entreprises de tous secteurs en particulier du privé, former certains jeunes potentiels demandeurs et renforcer les capacités de bien d’autres.
L’inefficacité du dispositif en place n’est pas forcément synonyme de mauvais car il se trouve que plusieurs jeunes refusent des emplois au Sénégal qu’ils acceptent à l’extérieur.
Aujourd’hui, la plupart des emplois sont désormais occupés par les jeunes autochtones, ce qui signifie que la question de l’emploi est une préoccupation de tous les pays sans distinction du niveau de développement.
Certains jeunes déjà arrivés à destination, choisissent de rentrer au pays pour s’y frayer leur chemin plutôt que d’y occuper certains emplois.
Je ne suis donc pas sûr qu’il faille imputer la responsabilité à l’Etat tout seul. A la vérité, il sagit d’une question transversale dont tous les acteurs doivent assumer leur part de responsabilité .
3) Quelle est la solution au problème à votre avis ?
Concernant les solutions à préconiser, ma conviction est qu’il n’existe pas de solution meilleure toute faite. ” There is no one best way “, ce qui signifie qu’il faut privilégier l’approche situationnelle où les facteurs de contingence prennent toutes leurs importances. Un des objectifs des efforts de tout gouvernement reste de favoriser la création d’emplois directement ou indirectement. En d’autres termes, les nombreuses structures mises en place par l’Etat Sénégalais visent à favoriser la création d’emplois en abordant la question sous ses nombreuses facettes ( formation, renforcement de capacités, amélioration du climat des affaires, assouplissement et/ou allègement de certaines procédures,…) suivant une optique systémique.
De mon point de vue, il faut lui assortir d’une approche situationnelle et inclusive car plutôt que de réfléchir, il faut mettre en place des structures, définir leurs activités et les réaliser en vue de favoriser la création d’emplois. Il faut aussi privilégier l’implication de la jeunesse pour des institutions adéquates, des activités pertinentes à même de répondre à leurs préoccupations.
S’il est vrai que beaucoup de ces jeunes s’adonnent à la pêche parceque originaires de zones de pêche, il reste tout aussi vrai que bon nombre d’entre eux sont tournés vers d’autres activités en raison des vocations de nos différentes régions.
Je crois aussi qu’un objectif de création de valeur ajoutée centré sur le développement de filières pourra procurer beaucoup de possibilités d’emplois dans notre pays notamment concernant les filières arachidiéres, fruiticoles, halieutiques et que sais-je encore.
Propos recueillis par Abdoulaye Fall / Tambacounda.info /