AUDITION DES MAGISTRATS EN COMMISSION D’ENQUÊTE : LE JUGE KEÏTA DÉMONTE L’ARGUMENT DU DÉPUTÉ AMADOU BA

 

 

Dans un article publié dans les médias, intitulé « Quand le juge devient justiciable devant le Parlement », le magistrat Mamadou Yakham Keïta, membre du Pool judiciaire financier, exprime ses inquiétudes face à la possibilité, désormais permise par le nouveau Règlement intérieur de l’Assemblée nationale (RIAN), d’auditionner des magistrats en devant des commissions d’enquête parlementaires.

Pour lui, cette réforme porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs. « Le consensus ayant présidé à l’adoption du nouveau Règlement intérieur est un fait politique appréciable, mais il ne saurait, à lui seul, écarter les réserves juridiques qu’impose le principe de séparation des pouvoirs », écrit-il.

Le député Amadou Ba, dans une tribune publiée en réponse, a tenté de le rassurer en précisant que toute audition d’un magistrat nécessiterait l’avis préalable du ministre de la Justice. Mais Yakham Keïta n’est pas convaincu par cette garantie. Il estime que faire du ministre un rempart contre d’éventuels abus parlementaires revient à faire dépendre la protection de l’indépendance judiciaire d’un acteur politique. « Aujourd’hui, le ministre est un magistrat, mais l’on oublie que, dans un passé récent, cette fonction a été occupée par des responsables politiques. Ce n’est donc pas une garantie institutionnelle en soi », fait-il remarquer.

Par ailleurs, il réfute l’exemple français de l’audition du juge Burgaud dans l’affaire Outreau, cité par Amadou Ba : « Cette audition fut une exception, fortement critiquée, portant sur une affaire définitivement jugée, et n’a jamais été reproduite depuis. »

Pour le magistrat, l’audition d’un juge en exercice par une commission politique crée une « tension symbolique inédite » dans le système judiciaire sénégalais. Il conclut en ces termes : « Fragiliser la Justice, c’est fragiliser l’État lui-même. »

 

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