« Bamboula minière » : quand les titres d’exploitation se multiplient dans le flou total

 

C’est un véritable séisme dans le secteur minier sénégalais. Une étude menée à l’initiative du Comité national de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (Cn-Itie) a mis à nu de graves irrégularités dans la gestion des titres miniers entre 2021 et 2024. Selon le quotidien Libération, l’analyse des archives du cadastre minier fait ressortir une « bamboula » administrative et financière aux conséquences potentiellement lourdes pour les caisses de l’État.  
  
Des chiffres qui font bondir : 162 titres officiels contre… 443 en réalité !
  
Entre les rapports officiels et les archives internes, le fossé est abyssal. D’après Libération, les documents fournis par la Direction du cadastre minier indiquent 443 opérations d’octroi, de renouvellement ou de transfert de titres miniers sur la période 2021-2024. Pourtant, les rapports de l’Itie n’en recensent que 162. 
Une différence vertigineuse qui soulève de sérieuses interrogations sur la transparence et la traçabilité des procédures. 
  
Le cas le plus flagrant concerne les autorisations d’exploitation de carrières privées permanentes : pour l’année 2022, le rapport Itie affirmait qu’aucune autorisation n’avait été délivrée. Or, les archives internes révèlent au contraire plusieurs autorisations effectivement octroyées, preuve d’une opacité inquiétante.  
  
Sosecar et Cogeca : un transfert « magique » qui coûte des millions
  
Parmi les dossiers les plus troublants figure celui de la Société Sénégalaise d’Exploitation de Carrières (Sosecar SA) et de la Compagnie Générale d’Exploitation de Carrières (Cogeca SA). 
Un arrêté datant du 2 février 2022 (n°002081) a combiné renouvellement et transfert d’une même autorisation d’exploitation à Diack, dans la région de Thiès. 
Une pratique jugée « illégale » par les experts interrogés, car ces deux opérations sont juridiquement distinctes et doivent donner lieu à deux paiements séparés de droits fixes d’entrée, conformément à l’article 74 du Code minier. 
  
Pourtant, selon les conclusions de l’étude relayées par Libération, la quittance jointe à l’arrêté n°002704 du 14 février 2022 ne mentionne qu’un seul paiement — celui du renouvellement — d’un montant de 2,5 millions FCFA. 
Les droits de transfert, eux, semblent avoir disparu dans la nature, occasionnant une perte potentielle de recettes fiscales pour l’État.
  
95 % des dossiers truffés d’irrégularités
  
Le constat global fait froid dans le dos : 95,42 % des dossiers analysés présentent des manquements majeurs susceptibles de remettre en cause la régularité des opérations. 
Parmi les anomalies les plus fréquentes figurent : 
•  L’absence de quitus fiscal et de bilans comptables des trois derniers exercices ; 
•  Des renouvellements postérieurs à l’expiration légale des permis ; 
•  L’absence de preuves de transmission des contrats au ministre chargé des Mines, en violation de l’article 67 du Code minier ; 
•  Le manque de documents administratifs obligatoires, comme les lettres de recevabilité ou les avis techniques ministériels.
  
Un système qui interroge jusqu’à sa légalité
  
Dans certains cas, les renouvellements semblent avoir été déguisés dans d’autres arrêtés, comme celui du 30 juin 2008 (n°05612), rectifiant un titre initial de 1987 tout en le « prolongeant » pour cinq ans, sans base légale claire. 
Cette confusion réglementaire, souvent entretenue par des montages administratifs complexes, laisse planer le doute sur l’intégrité du système d’octroi et de suivi des titres miniers au Sénégal.

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