Madické Niang, l’autre maître

 

La validation de sa candidature par le Conseil constitutionnel a été une surprise totale. Candidat à l’élection présidentielle de février 2019, Me Madické Niang a réussi là où la quasi-totalité des leaders de l’opposition ont échoué. Considéré comme l’outsider de l’élection présidentielle, l’avocat espère aller loin grâce à son courage et son abnégation, après avoir tenu tête à son ex mentor, Me Abdoulaye Wade pour s’imposer en plan B du Parti démocratique sénégalais.

Sur les 25 candidats déclarés à l’élection présidentielle, Madické Niang était le dernier à présenter sa candidature. Mais, un des premiers à passer le cap du parrainage. Une surprise ! Si certains le soupçonnent d’être de mèche avec le pouvoir, d’autres le qualifient de plan B du Parti démocratique sénégalais (Pds). L’avocat s’en défend et rejette les accusations. Il dit, à qui veut l’entendre, que c’est grâce à son courage et sa détermination qu’il en est là. « Personne ne peut me dévier de mon chemin. C’est par le courage et l’abnégation que je suis arrivé à ce niveau. Je continuerai avec les mêmes exigences pour pouvoir gagner ou être au deuxième tour ». Profession de foi.


« Coup de poignard à Wade »

En 2015, Madické Niang, avocat de Abdoulaye Wade désignait déjà Karim Wade, emprisonné, comme unique candidat à la présidentielle pour l’ancien parti au pouvoir de 2000 à 2012. Trois ans plus tard, l’étau se resserre autour du candidat rejeté des listes électorales. Madické prend son destin en main. Il demande à ses camarades libéraux de trouver un plan B. La démarche sera mal vue. Le 10 septembre 2018, Abdoulaye Wade écrit à ses militants pour les informer que Maître Madické Niang a décidé de se mettre en face du parti et en face de son Secrétaire général. « Je regrette seulement qu’il n’ait pas choisi une forme plus élégante d’exprimer ce qui est un libre choix et un droit que personne ne lui conteste, en venant me voir et, dans un tête- à-tête où Allah serait notre seul témoin, m’annoncer courageusement sa décision d’aller tenter sa chance ailleurs,s’indigne Wade. Compte tenu des relations que nous avions, j’étais en droit de penser qu’il n’aurait jamais choisi la forme du coup de poignard dans le dos. Et surtout d’aller susciter une lettre que certains responsables dont le nom figure au bas de la lettre, d’après leurs déclarations, n’ont pas signée, même s’il y a eu conversation téléphonique ». Par correspondance, Madické Niang rejette les accusations. Et jure n’avoir rien fait de tel. Wade présente des excuses. Les deux amis fument le calumet de la paix. Mais, ce ne sera qu’un écran de fumée. Quelques mois après le premier incident, Madické Niang annonce sa candidature. Ses camarades libéraux le taxent de « traitre ». Le divorce est consommé.


Fin de 30 ans de compagnonnage

4 octobre 2018. Abdoulaye Wade ouvre le feu sur Me Madické Niang. « Maître Madické Niang vient de franchir le Rubicon en faisant une déclaration publique annonçant sa candidature à l’élection du Président de la République. Lorsqu’il est venu me voir récemment avec un compatriote, je lui avais pourtant dit que je me devais de le conseiller pour le protéger de toute mésaventure. Je lui ai exprimé fraternellement mon opposition totale à son projet qui m’apparaissait suicidaire, car la seule chose qui pourrait le sauver, s’il se présente, ce n’est même pas de faire un bon score, mais de gagner », avait indiqué le secrétaire général du Pds dans une lettre très salée adressée à Madické Niang. « S’il ne gagne pas, sa candidature de ’substitution’ n’aura été, en fait, qu’une candidature de diversion destinée à aider Macky Sall en détournant certaines voix acquises au PDS et à Karim Wade. Objectivement, c’est une candidature de collusion, une candidature téléguidée par Macky Sall qui cherche désespérément, et par tous moyens, un second mandat que les Sénégalais ne sont pas prêts à lui accorder. Il faut croire que les pressions qu’exerce Macky Sall sur Madické Niang sont irrépressibles au point que notre ami accepte le suicide politique », lui assénait Wade.

La réponse de Madické Niang ne se fait pas attendre. Le 9 octobre 2018, il trempe sa plume pour apporter la réplique à Me Abdoulaye Wade. « Je rappelle que j’ai fait l’objet de toutes formes d’intimidation et d’humiliation de la part du pouvoir sans vaciller un seul instant. Je tiens aussi à dire aux Sénégalais que je n’ai aucun dossier judiciaire en instance devant aucune juridiction. Je prends à témoin les Sénégalais pour leur dire que : Si Macky Sall pouvait faire pression sur moi, je ne serais pas resté avec le Président Wade, alors que beaucoup de ses proches l’avaient quitté. Si Macky Sall avait les moyens de pression sur moi, je n’aurais jamais pu défendre Karim Wade avec autant de détermination et d’opiniâtreté durant ces six dernières années. Si Macky Sall avait des moyens de faire pression sur moi, je n’aurais pas pu me mettre en face de lui pour faire gagner largement le PDS à Touba ». Ces échanges épistolaires signent la fin d’un compagnonnage de plus de trente longues années entre les deux hommes.

 

L’avocat de Maître

Il y a encore quelques années, rien ne pouvait présager d’un de bisbilles entre Wade et Madické. Entre les deux, l’histoire commence en 1985. Après la marche avortée de l’Alliance démocratique sénégalaise, Abdoulaye Wade est arrêté. Madické Niang, jeune avocat, fraîchement diplômé, le défend. Des liens se tissent. En 1988, il le défend à nouveau dans une nouvelle arrestation. En 1994, c’est encore lui, qui est à la barre, dans le dossier de l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel, Me Babacar Sèye. Leur relation n’était pas seulement de travail.

« Je suis quelqu’un qui aime profondément Abdoulaye Wade », disait Me Madické Niang de Me Wade. Appartenant à la même confrérie, Me Madické Niang était le porte-parole d’Abdoulaye Wade auprès des chefs religieux surtout auprès des guides mourides. Ce qui a longtemps maintenu le leadership de Wade à Touba.

 

Le parcours d’une robe noire

Madické Niang, 65 ans, est né à Saint-Louis, capitale de l’Afrique occidentale française (Aof) le 25 septembre 1953. Il a fait ses études primaires et secondaires dans la vieille ville. Le bac en poche, il est orienté à la faculté des droits de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il est y exclu pour grève. Il s’envole pour Abidjan, et revient quelques temps plus tard pour s’inscrire au barreau Dakar.

Le président de la coalition « Madické 2019 » porte plusieurs casquettes. Candidat déclaré à l’élection présidentielle du 24 février 2019, il est un avocat doublé d’un homme d’affaires. Sous le magistère de Me Wade, Me Madické Niang a dirigé plusieurs ministères (Habitat, Energie et Mines, Mines, Industries, Artisanat, PME, Justice). En 2009, il est nommé ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, poste qu’il a occupé jusqu’en 2012.

Aujourd’hui, Madické Niang ne part pas tout seul à la conquête des suffrages des Sénégalais. Des leaders politiques et d’opinions ont aussi rejoint la coalition « Madické 2019 ». Ngouda Fall Kane, Modou Bousso Dieng, le professeur Coumba Ndofène Diouf, Mor Sylla, Ndella Madior Diouf ont décidé de le soutenir. Egalement, Madické Niang pourra également compter sur le lobby mouride, vu son fort ancrage dans la cité religieuse, où il compte de nombreux soutiens.

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